Images violentes et troubles psychotraumatiques

images ultraviolentes

(Vous retrouverez à la fin de cet article la bibliographie dont je me suis aidée pour traiter de cette problématique des images violentes et des troubles psychotraumatiques qui en naissent).

Comme un clin d’œil à cette étude sur les images violentes et les troubles psychotraumatiques, commencée en novembre 2021, les membres du syndicat des scénaristes américains ont élu le film américain Get out meilleur long-métrage du 21ème siècle. Ceci se passe le 7 décembre 2021.

Voici ce que l’on peut voir dans ce film : « [Chris] défonce le crâne de Jeremy avec une boule de billard. Il empale ensuite Dean avec une tête de cerf empaillée et laisse Jim inconscient dans la salle d’opération avec le cerveau exposé. (…) Missy tente de l’attaquer et lui transperce la main avec un poignard, mais Chris parvient à l’égorger».

Voilà une partie du résumé détaillé de ce film, constitué d’une succession, vers son dénouement, d’images violentes et sanglantes. Il est sorti sur les écrans de cinéma en 2017, mais il n’a cependant rien à envier à un film italien de 1980, devenu culte, intitulé ‘Cannibal Holocaust’.

En effet, [l’] ensemble du film contient des images d’extrême violence (actes de torture associés au viol, à l’amputation, à l’émasculation, au meurtre, à la décapitation et à l’anthropophagie) et a nécessité la mise à mort réelle de six animaux (…) ».

Plus près de nous, le film « Titane », de Julia Ducournau, a été récompensé lors de l’édition de 2021 du Festival International du Film de Cannes par la Palme d’Or. Le film débute par une scène de chirurgie filmée en gros plan, consistant en la pose d’un implant en titane dans le cerveau d’une petite fille. Pour certains d’entre nous, cette scène est à classer dans le compartiment “images violentes” de notre cerveau.

Les images violentes, réelles ou de fiction, se retrouvent depuis de nombreuses années déjà sur les écrans de tous formats et de tous médias : chaînes de télévision, bouquets numériques, streaming sur Internet, en téléchargement légal ou illégal, gratuit ou payant, plateformes dédiées (de type Netflix et Prime Video), messageries de smartphones de type WhatsApp ou Telegram.

Les images violentes, fixes ou en mouvement, réelles ou de fiction, sont accessibles par tous, voire imposées de manière non intentionnelle, comme par exemple dans les magasins spécialisés dans la vente d’écrans de télévision ou d’ordinateur lesquels, pour montrer la qualité de l’image produite, diffusent des programmes en continu. Il arrive que les clients regardent par hasard des images violentes. Qu’en est-il des employés ?

Certes, dans les cinémas, les scènes « gores » et les images violentes ne figurent pas dans les bandes-annonces, mais les effets spéciaux et les musiques perturbantes permettent d’anticiper hors-champ, pour certains spectateurs, les images violentes constitutives des scènes des films en question.

On l’a vu, il n’est cependant pas besoin de se déplacer au cinéma pour voir des images violentes, puisqu’elles sont accessibles désormais depuis un téléphone portable, mais également dans la presse. Dans les années 1990, par exemple, Paris-Match montrait des images violentes, telles que des photos de gens écrasés en bas de falaises, à la suite d’accidents de sauts à l’élastique.

Pour certains, ces écrans qui les captent sont anxiogènes. C’est un fait. David Lisnard, le maire de Cannes, a, la veille de la rediffusion du film « Titane » dans la salle du Palais des Festivals, appelé les Cannois munis d’une invitation à cette projection à ne pas s’y rendre accompagnés d’enfants ou s’ils étaient sensibles aux images violentes.

L’hebdomadaire Marianne en a fait le sujet principal de son numéro 1284, de la semaine du 22 au 28 octobre 2021, intitulé « Décapitations, pendaisons, porno trash… Ces images ultraviolentes sur les écrans de nos enfants ».

Dans cet article, on peut y lire qu’un oncle se fait du souci pour sa nièce de 11 ans : « Elle a regardé ‘The Human Centipede’, un film d’horreur néerlandais montrant des prisonniers attachés les uns aux autres, la bouche cousue à l’anus de leur voisin de devant. Elle faisait mine de rien, mais je la soupçonne d’avoir été durablement traumatisée ».

Le 1er avril 2019, le professeur de français d’un collège projette en salle de classe le film d’horreur ‘The Ring’, le présentant comme un film fantastique, alors qu’il est de notoriété publique que la franchise ‘The Ring’ est constituée de films d’horreur, ce qu’une collégienne n’est en revanche pas censée savoir, à l’instar de ses parents ou de ses camarades de classe.

De fait, une élève de 13 ans s’est retrouvée, après la projection de ce film, dans un état de stress post-traumatique.

Il n’est pas question ici de juger qui que ce soit, y compris les personnes suivantes : metteurs en scène, spectateurs, diffuseurs d’images violentes.

Le propos est ici de démontrer que le fait de regarder des images violentes peut être la cause d’un syndrome de stress post-traumatique (« SSPT »), indépendamment d’un trouble anxieux, ou en conjonction avec celui-ci. 

Le fait d’anticiper la vue d’images violentes peut également être la source d’un SSPT.

Il nous faut dès à présent identifier les différentes notions théoriques de psychopathologie concernées, sachant que la liste ci-dessous n’est pas exhaustive. Ceci nous permettra d’établir un lien entre images violentes et troubles psychotraumatiques.

DES NOTIONS DE PSYCHOPATHOLOGIE CONCERNANT LE TRAUMATISME

Dans les développements qui vont suivre, au lieu de parler de normalité, nous parlerons de santé mentale ou d’intégrité psychique, laquelle découle du succès du processus d’intégration des expériences successives que le petit être humain va rencontrer au cours des premières années de son existence.

Cette activité de synthèse et de liaisons d’informations montre que le psychisme intègre est associatif : en effet, « le travail cérébral consiste en une transmission constante de l’information entre différentes zones cérébrales et correspond (…) à une activité associative implicite, constante également, par exemple entre les souvenirs, les pensées, les affects, les sensation corporelles, etc…».

Le dictionnaire Robert offre une définition simple et concise du traumatisme psychologique : c’est un « choc émotionnel très violent ». Ce mot vient du grec « trauma », qui signifie « blessure ». Le postulat ici est que les images violentes peuvent être constitutives d’un tel choc.

Le traumatisme psychologique, ou psychotraumatisme, remet en question l’état intégré du psychisme en le fracturant, en y entrant par effraction, faisant exploser son unité, effritant ce « tout » : « C’est une perte de connexion, avec notre corps, notre famille et le monde alentour».

Au moment du traumatisme, perçu comme tel par le sujet, des mécanismes de défense se mettent en place, dont l’objectif est de maintenir l’intégrité psychique de l’individu, même si, paradoxalement, ce but peut, chez certains, être atteint par un morcellement du Moi (A). Après la survenue du traumatisme, des symptômes apparaissent (B). Nous verrons ce qui se passe au niveau neurobiologique quand ces derniers surgissent (C).

Nous ne traiterons pas ici des réactions psychotiques qui peuvent également surgir au cours d’un traumatisme. Cela devra faire l’objet d’une autre étude.

A.    AU MOMENT DU TRAUMATISME : LES REACTIONS IMMEDIATES

Le traumatisme est donc « un choc psychologique important, généralement lié à une situation où une personne a été confrontée à la mort ou à la menace de mort (…) ».

Au moment du traumatisme, il n’est plus question pour le sujet de « fabriquer du soi et du sens », mais de littéralement « sauver sa peau » et ce qu’elle enveloppe : son intégrité psychique.

Les réactions biochimiques qui ont lieu alors au niveau cérébral sont celles que les êtres humains et tous les mammifères ont en commun, de manière alternative : se figer, se battre ou s’enfuir. C’est cette première occurrence qui nous intéresse ici, ainsi que ses conséquences.

On peut dire du figement qu’il correspond « à un état altéré de conscience partagé par tous les mammifères face à une mort paraissant imminente » : la psyché est submergée par l’horreur et l’impuissance, le cerveau et le corps sont comme paralysés, anesthésiés, pendant un laps de temps plus ou moins long.

La sidération n’est pas qu’un phénomène neurobiologique, dont on étudiera plus bas le fonctionnement, mais peut également être appréhendée comme un mécanisme de défense mis en place par la victime du traumatisme, pour en parer les effets réels ou supposés advenir.

quand les écrans nous captent

La protection ainsi mise en place est celle de l’ici et du maintenant. Elle ne fait pas forcément rempart à long terme contre le psychotraumatisme.

De cette sidération, première réponse à la violence faite à l’intégrité psychique et qui a causé  un traumatisme, peut s’ensuivre une dissociation.

Dans le DSM-5, les « troubles dissociatifs » se caractérisent par « une perturbation et/ou une discontinuité dans l’intégration normale de la conscience, de la mémoire, de l’identité, des émotions, de la perception, de la représentation du corps, du contrôle moteur et du comportement ».

Ces troubles sont principalement au nombre de trois :

  • Le trouble dissociatif de l’identité, qui se caractérise par une perte du soi unifié et un défaut du traitement émotionnel de la mémoire autobiographique ;
  • L’amnésie dissociative, qui consiste en une incapacité à se souvenir d’informations autobiographiques ;
  • La dépersonnalisation-déréalisation : le trouble de dépersonnalisation correspond à l’impression d’être observateur de son propre monde interne, pendant que la déréalisation est celle du détachement du monde extérieur.

Autrement dit, « [l]a dissociation est un mode défensif consistant à se couper d’une partie de son expérience psychique, sous forme d’amnésie, anesthésie et/ou de non-reconnaissance du caractère autobiographique de son expérience.

Ces mécanismes peuvent également générer, de façon réactionnelle, des symptômes opposés (hypermnésie, débordement émotionnel et sentiments de persécution) et des tentatives de répétition traumatique/disjonction ou d’auto-apaisement ».

Il nous semble qu’il n’est pas aisé de différencier sidération et dissociation. Notre explication consistera à les distinguer par leur ordre d’apparition et par leurs effets.

Chronologiquement, la sidération surgit « sur le temps du coup», au moment même du choc (par exemple, au moment où les images violentes sont vues). Du point de vue de ses effets, elle anesthésie émotionnellement et corporellement le sujet.

Dans un second temps, celui du « contre-coup », le cerveau se remet à fonctionner, mais purement dans le but d’éviter au sujet un débordement émotionnel de sa psyché qui mènerait à son effondrement. Il devient fondamental pour l’organe qu’est le cerveau de se cloisonner et d’endormir momentanément les zones cérébrales qui participent du processus intégratif abordé plus haut et de se concentrer sur l’évitement de ce danger.

Dans le cas du visionnage d’images violentes, ce serait par exemple pour ne pas devenir fou après les avoir regardées.

C’est un fonctionnement d’urgence et tout ce qui n’est pas focalisé sur ce danger est considéré inutile et laissé de côté.

Autrement dit, lors de la sidération, qui peut être provoquée à la vue d’images violentes, le cerveau est « dans » le traumatisme, tandis que lors de la dissociation, il est dans la suite immédiate du traumatisme.

Lors de la sidération, il est pris tout entier. Dans la dissociation, il parvient, pour se défendre, à se compartimenter et à ne faire usage que du compartiment qui va lui assurer sa survie.

B.    APRES LE TRAUMATISME : LES REACTIONS MEDIATES

La victime d’un traumatisme se trouve ici dans le temps de «l’après-coup», au cours duquel elle peut développer plusieurs symptômes, desquels pourront émerger une ou plusieurs pathologies. Nous en donnerons des exemples ci-dessous :

  • Attaques de panique (Trouble panique) ;
  • Trouble Anxieux Généralisé (« TAG ») ;
  • Trouble de stress post-traumatique ;
  • Etat de stress aigu ;
  • Dépression.

Le souvenir traumatique peut-être le précurseur des attaques de panique. A la différence du souvenir ordinaire, le souvenir traumatique est non daté, ce qui signifie que la sensation qu’il provoque est perçue comme une expérience qui est en train de se passer ici et maintenant et non comme un souvenir.

L’attaque de panique, symptôme du Trouble panique (« TP »), est le résultat d’une hyperactivation neurovégétative qui provoque, entre autres, des palpitations cardiaques, des accélérations du rythme respiratoire, une sensation de striction laryngée et/ou des sensations d’étouffements pseudo-asthmatiques.

A ces symptômes somatiques s’ajoutent des symptômes psychiques, tels que, typiquement : la peur de mourir et la peur de devenir fou/folle.

La survenance d’une attaque de panique est spontanée et généralement inattendue.

On le voit, les frontières ne sont pas étanches entre le Trouble panique, qui a pour origine l’angoisse et l’Etat de stress aigu, qui lui est causé par un traumatisme. Nous allons y revenir. Le point commun à ces pathologies est le stress.

Le TAG, quant à lui, est un trouble chronique caractérisé par une anxiété de fond permanente que le sujet atteint ne peut maîtriser.

Le même sujet peut bien évidemment souffrir de TP et de TAG. On parlera alors de comorbidités, en cas d’association de troubles.

 Le DSM-5 définit le stress comme un état d’« attente avec appréhension » dans le cadre des TP et des TAG, qui sont classés dans la rubrique des Troubles anxieux.

En revanche, le DSM-5 ne définit pas le stress dans la rubrique des « Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress », dont le Trouble de stress post-traumatique (« TSPT ») et le Trouble de stress aigu (« TSA ») font partie. Cela renforce, d’après nous, l’idée que les frontières entre ces différents troubles sont poreuses, d’autant plus que « [l]’hyperactivation est aujourd’hui considérée comme le meilleur indice prédictif d’un symptôme psychotraumatique à plus long terme ».

Le TSA et le TSPT ont en commun d’avoir pour origine un traumatisme, c’est-à-dire une peur liée à une exposition à la mort ou à une menace de mort imminente, à des blessures graves ou à des violences sexuelles. C’est la durée du trouble qui va les différencier : de 3 jours à 1 mois pour le TSA, plus d’1 mois pour le TSPT.

Notons déjà que regarder des images violentes ne correspond pas à cette définition, donnée par les nosographies internationales.

Ces troubles psychotraumatiques sont rarement isolés et sont parfois associés, par exemple, à des épisodes dépressifs.

D’un point de vue descriptif, « la dépression est un ensemble de neuf signes cliniques qui composent le syndrome dépressif type. (…). Il faut au moins cinq symptômes flagrants, présents simultanément pendant deux semaines, pour dire que nous sommes devant un trouble dépressif ».

Les 9 signes cliniques sont les suivants :

  • Tristesse anxieuse,
  • Repli sur soi obsédant et dévalorisant ;
  • Perte d’intérêt pour tout ce qui est extérieur au sujet (perte du désir) ;
  • Fatigue et lassitude ;
  • Ralentissement moteur global ;
  • Troubles de l’attention, de la mémoire et de la concentration ;
  • Idées suicidaires ;
  • Perte de l’appétit ;
  • Troubles du sommeil.

Quand ces signes cliniques sont récurrents, on parle de dysthymie.

Notons aussi, dès à présent, que le DSM-5 ne qualifie pas de TSPT ni de TSA l’ensemble des symptômes développés lors de l’exposition au traumatisme par l’intermédiaire de médias électroniques, télévision, film ou images, sauf quand cette exposition a lieu dans le contexte d’une activité professionnelle.

Nous allons cependant voir que l’exposition à des images violentes peut provoquer, chez certains sujets, des traumatismes, lesquels auront pour conséquence un ou des troubles psychotraumatiques décrits dans les classifications nosographiques internationales que sont, entre autres, le DSM-5 et la CIM-11.

Dès lors, la question de la définition du traumatisme, ou même de son degré de gravité sociologique devient complexe, puisque nous avons nous-même fait l’expérience, par le biais de notre entourage, de traumatismes « qui correspondrai[en]t plutôt à des expériences pénibles, comme de la violence verbale, la négligence, l’intimidation et la pauvreté, que l’on ne peut pas considérer comme suffisamment graves pour entrer dans le diagnostic de traumatisme ».

Il faut également souligner que « [d]ans le décours d’un événement délétère, les victimes manifestent fréquemment des symptômes non spécifiques aux syndromes post-traumatiques ».

Toutes ces expériences pénibles laissent parfois une ou plusieurs empreintes dans le cerveau des gens qui les ont vécues. Examinons de plus près la neurobiologie des troubles psychotraumatiques.

C.    UN PEU DE NEUROBIOLOGIE

Il nous paraît essentiel de comprendre les mécanismes du cerveau en état d’alerte prolongée, quand il subit un choc émotionnel extrêmement violent, qui donne naissance à un trouble psychotraumatique.

C’est pourquoi nous ferons appel, entre autres, aux explications du psychiatre américain Bessel VAN DER KOLK et à celles d’ Evelyne JOSSE, psychologue clinicienne, relatives à ce qu’il se passe dans le cerveau quand son propriétaire est confronté à un danger.

Ici, le danger serait l’anticipitation de l’exposition à des images violentes, ou l’exposition à des images violentes.

C’est par l’intermédiaire de quatre de nos sens que l’information sensorielle sur le monde extérieur nous parvient : les yeux (par définition, les images violentes), les oreilles, la peau et le nez. Ces informations atterrissent dans le thalamus, qui les envoie dans l’amygdale (ou l’esprit inconscient), d’une part et dans les lobes frontaux (ils permettent de manier le langage et la pensée abstraite, d’intégrer de vastes quantités d’informations et de leur donner un sens), d’autre part.

L’amygdale est la partie du cerveau en forme d’amande qui est impliquée dans les réponses émotionnelles.

Il lui appartient donc de déterminer si l’expérience sensorielle que le sujet est en train de vivre concerne ou non sa survie. Pour ce faire, elle est aidée de l’hippocampe, une structure du cerveau qui joue un rôle fondamental dans l’apprentissage et la mémoire.

Si l’amygdale décide que l’information reçue fait état d’un danger, elle envoie ce message à l’hypothalamus – qui joue le rôle de régulateur des processus métaboliques et de préservation de l’homeostasie – et au tronc cérébral : entrent alors en jeu les hormones du stress (cortisol et adrénaline, entre autres) et le système nerveux autonome. Le corps réagit donc avant même que le sujet ait conscience du danger : il est prêt pour combattre, fuir, ou s’immobiliser.

Ainsi, « (…) [l]e système orthosympathique s’active tandis que le système parasympathique s’inhibe. L’activation du système nerveux orthosympathique a pour effet de dilater les bronches, d’accélérer les rythmes respiratoire et cardiaque, d’élever la tension artérielle (augmentation du débit sanguin vers les muscles, apport accru d’oxygène et de glucose aux tissus), d’augmenter le tonus musculaire, de dilater les pupilles (amélioration de la vision) et de stimuler les glandes sudoripares (régulation de la température corporelle)» (Evelyne Josse).

Mais « (…) [l]orsqu’une personne vit un événement traumatisant, (…) [u]n déséquilibre se produit dans son système nerveux empêchant le processus du traitement de l’information de se dérouler normalement » (Evelyne Josse).

Donc, en cas de traumatisme, cette activation persiste et entraîne, du fait de sa durée anormalement longue, au niveau physique, les symptômes suivants :

  • une hypertonie musculaire ;
  • une hyperventilation ;
  • des troubles cardiaques ;
  • une hypertension artérielle ;
  • des troubles visuels ;
  • des troubles du transit intestinal ;
  • des troubles de la sudation ;
  • des troubles somatoformes.

Ces symptômes sont dûs au fait que le traumatisme bouleverse l’équilibre entre les lobes frontaux et l’amygdale, au profit de cette dernière, qui devient le « maître à bord » : il est dès lors très difficile, voire impossible pour le sujet de gérer ses émotions, comme par exemple lorsqu’il est confronté à des images violentes.

Pour terminer, nous nous étendrons sur le système nerveux autonome, lequel « est constitué des systèmes orthosympathique et parasympathique. Le rôle du système orthosympathique est de mettre l’organisme en état d’alerte et de le préparer à l’activité (on peut le comparer à l’accélérateur d’une voiture), celui du parasympathique, de lui permettre de se détendre, de récupérer et de se régénérer (on peut le rapprocher du système de freinage d’un véhicule).

Notre cerveau ne peut traiter les informations liées à notre vécu que lorsque le système parasympathique est activé.  (…) l’observation laisse penser que nous possédons un système neurophysiologique inné traitant de manière adaptative les informations de notre vécu. Ainsi, nous conservons l’apprentissage de nos expériences et nous utilisons cet apprentissage de façon constructive. Imaginons le cas d’une personne humiliée par un collègue.

Dans les heures et les jours suivant l’événement, elle repense régulièrement à sa déconvenue ; elle ressent de la honte, de la tristesse et/ ou de la colère ; elle pleure ; elle s’épanche auprès de ses proches ; elle éprouve des difficultés à trouver le sommeil, etc. 

troubles psychotraumatiques

Au bout de quelques jours, elle cesse d’être perturbée ; elle retrouve le sourire, sa gaieté, sa motivation professionnelle, etc. Toutefois, elle retient la leçon et se méfiera de ce collègue peu scrupuleux. À l’avenir, elle accordera peut-être également sa confiance avec davantage de discernement ou gérera une situation similaire avec plus d’assertivité.

Lorsqu’une personne vit un événement traumatisant, il en va autrement. Un déséquilibre se produit dans son système nerveux empêchant le processus du traitement de l’information de se dérouler normalement. Les images, les sons et les odeurs liés à la situation traumatique ainsi que les émotions et les sensations physiques éprouvées au moment des faits, sont maintenus neurologiquement en l’état, stockées sous la forme même de leur vécu initial.

Ces données sont figées dans le temps dans leur état perturbant. Le traitement de l’information, semblable au processus de digestion des aliments, se fait lorsque le parasympathique est stimulé. Les « souvenirs » traumatiques non « digérés » risquent davantage d’affleurer à la conscience dans ces états de relâchement vagotonique propices à la transformation et à l’assimilation des données ».

Bien évidemment, chacun de nous “choisit” inconsciemment ce que sont pour lui des images violentes. Notre subjectivité est à l’oeuvre.


BIBLIOGRAPHIE

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